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journal de la commune

années d’un brin d’herbe à quelques bouts de roseau, nous entrerons dans le monde nouveau… Mais je sais que décidément l’instinct a pris forme dans la conscience du peuple, qui après avoir vu les hontes, les crimes et les horreurs des champs de bataille, aspire maintenant au jour heureux de la Paix universelle et de la Fraternité internationale.

Mercredi, 17 mai.

À Versailles, quelques instants avant que M. Favre présentât à l’Assemblée son traité de paix, un zouave du pape proposait à l’Assemblée d’ordonner des prières dans toute la France pour supplier Dieu d’apaiser nos discordes civiles et de mettre un terme aux maux qui nous affligent. Cela semble naïf et serait presque touchant, si c’était sincère. Avant d’implorer l’Eternel qu’il fasse un miracle pour en finir avec la guerre civile, on pourrait essayer de ne plus la continuer et, pour mettre un terme aux maux qui nous affligent, on pourrait écouter avec bienveillance les francs-maçons, les syndicats du commerce, les délégués de la Ligue d’Union, les représentants et les adresses de tant de conseils municipaux. Mais Versailles ne comprend qu’une seule manière d’en finir avec la guerre civile, c’est de forcer la porte de Paris avec obus et pétards et de lancer dans ses rues des régiments d’infanterie, des escadrons de cavalerie, sabre dégainé.

Un de nos généraux a appuyé la motion par une petite oraison acquise à l’histoire : « Messieurs, tout à l’heure, un jeune et brave soldat mutilé est monté à la tribune, demandant que des prières publiques aient lieu pour la cessation de nos maux. Savez-vous, Messieurs, comment nous sommes appelés dans les livres d’éducation des pays étrangers ?  : « La nation impie ! » (Mouvements divers.) Laissez-moi continuer, je vous prie, Messieurs. Dans un grand pays, au delà de l’Océan, dans une grande République, on n’ouvre jamais un congrès sans invoquer le secours de Dieu. Il n’arrive jamais un malheur sans que le Président demande des prières et des jeûnes. (Rumeurs). Nous sommes la seule nation qui n’agisse pas ainsi… Je demande l’urgence pour la proposition. Nous faisons attendre Dieu. »