Page:Reclus - La Commune de Paris au jour le jour.djvu/334

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
324
journal de la commune

lument inhabitables sous les obus du plus fort calibre que font grêler sur eux Montretout et le Mont-Valérien.

On a observé que la canonnade dure journellement depuis le lever du soleil jusqu’à la nuit ; puis, après deux heures de calme relatif, reprend à dix heures du soir jusqu’au matin. Vingt-deux heures de bombardement sur vingt-quatre. O charmantes journées du riant mois de mai !

Mais l’effroi du bombardement est peu de chose à côté de l’horreur des combats corps à corps.

Au Couvent des Oiseaux, on s’est entredéchiré, deux cent cinquante lions contre trois cents tigres. Les détails sont épouvantables. L’avant-veille au parc des Oiseaux (quel gracieux nom !) les fédérés chassent d’une barricade des ruraux ; emportés par la furie, il les poursuivent jusque dans leurs retranchements. De ces retranchements sort une troupe de Versaillais qui chargent à la baïonnette. Les Parisiens acceptent la lutte inégale, mais, écrasés par le nombre, ils s’affaissent sous une pluie de balles, ils finissent par se replier faute de renforts.

À leur tour, enivrés par ce succès, les lignards poursuivent les gardes nationaux et leur pointe en avant fut si vigoureuse qu’ils se trouvèrent sans le savoir en présence de deux bataillons communeux qui, les prenant à revers, les enveloppèrent et déchargèrent sur eux leurs armes presqu’à bout portant ; il y eut là un effroyable pêle-mêle. Il faisait nuit, et dans l’obscurité augmentée par la fumée de la poudre, ni fédérés ni ruraux ne se reconnaissaient plus. On s’entrefusilla, on s’entrelarda de coups, on ne se retira qu’après s’être aperçu que chacun frappait sur ses amis autant que sur ses ennemis.

Ce Parc des Oiseaux, ces hommes s’entr’égorgeant dans la nuit, voilà bien l’image de la France !

Jeudi, 18 mai.

On se plaignait que la Commune fût tellement dépourvue d’homogénéité qu’elle n’ait pu s’articuler en majorité et en minorité, comme le sont tous les corps politiques qui s’organisent. Ce fractionnement s’est fait à la fin, mais brutalement et prenant immédiatement la forme extrême de la scission. La minorité, composée des hommes qui ne sont