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journal de la commune

baigner, qu’il pourrait se noyer dans le sang qu’ont fait verser son dépit sénile et ses rages de singe ; maintenant que, sur l’amoncellement des victimes par lui massacrées, il pourrait monter plus haut que le bronze de la colonne Vendôme, plus haut que le Panthéon, maintenant ses folies sont sublimes, ses inepties sont grandioses, ses roueries sont des raisons d’État et ses finasseries embarrasseraient Machiavel.

— Soit ! Tant que le succès dure, il est absurde d’entrer en discussion avec lui et de vouloir prouver qu’il a tort.

Donc, M. Thiers règne et gouverne, jusqu’à ce qu’il ne règne ni ne gouverne. — On fusille et on déporte en son nom — c’est-à-dire, pour parler le langage officiel, on juge et on administre en son nom. Les proclamations affichées à Paris portent en tête : « Armée de Versailles » — La grande ville appartient à quatre corps d’armée. Quatre omnipotents généraux l’administrent. Nous avons des « colonels faisant fonction de maire ». Les rues sont cernées, dans chaque appartement entrent quatre fusillards guidés par un mouchard, ils ouvrent les armoires et les tiroirs pour y découvrir des suspects, ils secouent le linge pour y trouver des revolvers. Les généraux et colonels paradent en voiture découverte avec des cocodettes, les capitaines et lieutenants flânent sur le boulevard avec des cocottes. L’ordre, la famille, la propriété règnent de nouveau dans la capitale du Grand-Duché de Gérolstein.

Recueillons-nous encore une fois. Rentrons nos cornes comme l’escargot, dévisageons les saturnales de la réaction, regardons le gâchis auquel nous n’avons plus le droit de nous mêler. — Nous avons bien notre petite idée sur la manière dont tout ceci finira — mais chut ! le monde ne nous demande pas notre avis. — Nous allons étudier les événements récents, ceux qui vont se passer, dans les écrits et discours de nos ennemis — eux seuls ont le droit de parler. Nous nous tairons, mais nous enregistrerons.

Un dernier mot : La France est-elle assez châtiée ? A-t-elle enfin expié ? — Oui, l’expiation est à son comble, et le martyre commence.


FIN