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journal de la commune

pire du plébiscite Fabre-Trochu, deux cent cinquante mille électeurs viennent de se prononcer contre le coup d’État monarchique. Paris veut la République : malgré tous les royalistes conjurés, il veut que s’accomplisse le programme de la Révolution.

Désormais la nouvelle révolution française a vie et corps, elle a une existence civile. Née le 18 mars, avant terme, par suite d’accident — un mauvais coup du méchant Thiers — la Révolution était là, gisante sur le pavé… Devait-elle vivre ? Hier, son père légitime, le peuple de Paris, l’a ramassée, l’a prise dans ses bras, l’a montrée au monde : il l’a reconnue suivant les rites et formules d’adoption légale : Voici ma fille.

— Vivra-t-elle cette fille ?

— Qui le sait ? C’est l’enfant de nos douleurs. Que de douleurs et angoisses elle nous coûte ! Pour la mettre au monde, quel supplice ! Elle a été conçue de nos larmes refoulées, de nos sanglots ravalés, de notre fiel amer, distillé dans les nuits d’insomnie fiévreuse, dans les jours de pénible attente. Tu es née dans le sang et dans la boue, dans la fange où la France a été renversée, a été tramée par les infâmes de Sedan, par les capitulards de Paris ; tu as été vautrée dans le sang qui coule toujours de nos mille blessures…

Mais tu es née enfin, mais tu vis. Vivras-tu ? Je le crois. Si tu vis, si tu justifies nos espérances, si tu te montres la fille de notre désir et de notre amour, nous ne regretterons rien, nous nous applaudirons de tout ce que tu nous auras coûté de douleurs et de peines, tu le rendras au monde en joie et en bonheur. Si tu es ce que nous croyons, tu es l’Ère nouvelle, tu es la République des États-Unis du Monde, tu es la Commune Universelle !

O vis, chère enfant, espoir des héros et des martyrs, attente des générations !

Paris, le 1er avril 1871.

Au Comité central a succédé la Commune de Paris. Au pouvoir de fait improvisé par la nécessité, a succédé le pouvoir de droit. Pouvoir de droit, car le suffrage universel, se prononçant à une très forte majorité, a ratifié