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journal de la commune

chance de succès. « De l’audace, » criait Danton aux révolutionnaires, « de l’audace, encore de l’audace ! » La fortune aime les audacieux. Que je suis heureux de ne pas être à la Commune et de n’avoir pas à me prononcer sur ce que j’ignore ! Mais la Commune sait, évidemment.

Des roulements de tambour… Les voilà qui arrivent des profondeurs du quartier Saint-Antoine, qui descendent de Belleville et de Montmartre, bataillons après bataillons. Ils ont déployé leurs drapeaux rouges, ils chantent la Marseillaise, ils crient : « À Versailles ! à Versailles ! nous allons à Versailles ! » Il était onze heures du soir. À minuit, il en défilait encore. Je m’en allai pensif.

Je ne sais qui a dormi cette nuit-ci. De bon matin, on rencontrait encore des gardes nationaux attardés. À deux ou trois, à douze ou vingt, même seuls, ils partaient en guerre…

« — Nous rejoindrons les autres quelque part.

« — Vous avez des cartouches ?

« — Nous en trouverons là-bas… D’ailleurs, en aurons-nous besoin ? Les soldats sont pour la République. Quand ils nous verront arriver en masse, ils fraterniseront avec nous. »

Trois colonnes d’expédition sont parties pour Versailles, nous dit-on ; une par la rive gauche, Clamart, Meudon ; les deux autres doivent aller par Rueil, Bougival, Garches, chacune contournant le Mont-Valérien de son côté. On se porte vers les remparts pour avoir plus tôt des nouvelles.

Vers midi, le flot descendant rencontre quelques premières vagues remontantes. Des gardes nationaux rentrent éparpillés, poudreux, éclopés, honteux, courroucés, l’air tout chose.

« — Quoi ? Qu’y a-t-il ?

« — Il y a que nous sommes encore trahis. On nous avait dit que le Mont-Valérien était à nous. Pas du tout. Les Versaillais le tiennent. Ils ont attendu que nous fussions bien massés sur la route et, pendant que nous défilions devant eux sans nous douter de rien, tout d’un coup, ils nous ont mitraillés. Patatras : panique et débandade ! Ils ont fait plus de bruit que de mal, mais tout de même, nous avons laissé là des camarades qui ne reviendront jamais Ils nous ont coupés en deux, le premier tiers a continué sa