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ASSOCIATIONS OUVRIÈRES DANS LA GRANDE-BRETAGNE

mes du dehors, sans grande habileté ni grande moralité ; les machines n’allaient pas, le bâtiment était insuffisant, la farine était de qualité médiocre. Après de pénibles perfectionnements, la marchandise se trouva excellente, mais le consommateur se rebutait de ne pas lui trouver la blancheur que les meuniers savent donner aux qualités même très-inférieures. Par un honorable scrupule, le comité se refusa catégoriquement à laisser jamais travailler ses farines pour leur donner l’aspect voulu, et finalement, il gagna son procès auprès de sa clientèle. Après deux ans de lutte, quand on se fut décidé à reconstruire une partie du moulin et à faire l’acquisition de machines perfectionnées, la minoterie se trouva enfin à la tête d’un premier bénéfice de 2 500 fr. Nous apprenons aujourd’hui que le premier semestre de l’exercice 1863 a été clos avec 10 % de bénéfice. Le capital social s’élevait à cette date à 776 500 fr., et le mouvement d’affaires semestriel, à 2 050 000 fr. Le moulin du peuple souscrit actuellement 125 fr. par semaine pour le fonds d’assistance Distress Relief Fund, en faveur des ouvriers cotonniers sans ouvrage.

Dès qu’ils eurent assuré le succès de leur nouvelle entreprise, nos hardis Pionniers songèrent à une œuvre plus importante encore, qui devait marquer la troisième et grande période de la coopération. Des bénéfices annuels de 30 et 40 % que leur apportaient les magasins sociaux, les transformaient en capitalistes ; il fallait trouver un emploi pour le surplus de leur argent. On avait fixé le maximum que pût posséder un actionnaire dans l’entreprise, afin que les plus forts souscripteurs n’acquissent pas une influence indue sur les affaires communes qui, passant dans quelques puissantes mains, auraient bientôt perdu leur caractère d’utilité générale. L’on établit donc en coutume qu’au fur et à mesure de nouvelles inscriptions, les anciens membres se retireraient pour entrer dans une société branche, laissant toutefois à leur crédit dans l’entreprise primitive, une somme ne dépassant pas 2 500 fr., soit 100 actions. Ainsi l’association mère envoyait des colonies à l’étranger. Mais, au rebours de ce qui a lieu dans les sociétés politiques, la partie jeune de la communauté n’était pas mise dehors pour chercher fortune au loin, tout au contraire, c’étaient les hommes dans la force de l’âge et de l’expérience qui étaient chargés de créer une nouvelle source de richesses ; tandis que les novices, arrivés pour la plupart dans la gêne et dans l’ignorance, acquéraient l’aisance matérielle et l’habitude de l’association dans le sein de la Société mère.

Employés pour la plupart dans les manufactures de ville, les Coopérateurs, après avoir organisé la consommation, songèrent à accomplir une œuvre analogue dans le champ de la production. En 1858, un groupe s’associa sous la raison sociale de Rochdale Cooperative