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ASSOCIATION OUVRIÈRES DANS LA GRANDE-BRETAGNE.

Mais ce système est affecté d’un défaut radical, c’est que le montant des répartitions à faire entre le travail et le capital varierait d’une façon vraiment exorbitante selon les époques de règlement de compte, la part des ouvriers étant d’autant plus considérable que la répartition serait plus longtemps différée, et d’autant moindre qu’elle aurait lieu par semestre plutôt que par année, et par trimestre plutôt que par semestre. En tout cas, la théorie ci-dessus exposée n’est pas, sous sa forme actuelle, d’une application immédiate, et son auteur lui-même en a dû juger ainsi ; car, après l’avoir présentée, il conclut à l’adoption de la méthode qu’il veut bien qualifier de française, à savoir : le partage par moitié des bénéfices entre l’ouvrier et le capitaliste. — Mais quelle est cette moitié ? demandons-nous toujours.

À cette importante question, qu’il nous soit permis d’apporter une solution que nous croyons peut-être nouvelle. Elle nous a été suggérée par l’étude du système de H. Vansittart, et par le désir de trouver une formule équitable pour tous les intérêts et acceptable pour toutes les intelligences.


L’ouvrier est un capital. S’il est un capital, il rapporte intérêts. L’intérêt de l’ouvrier, considéré comme capital, est le salaire annuel qu’il reçoit. L’ouvrier est un capital parce qu’il est une force. L’argent de l’actionnaire, la force de l’homme, celle d’un cheval ou celle d’un cheval-vapeur sont trois choses conversibles l’une dans les deux autres. La machine de sang et de chair travaille concurremment avec la machine qui a des soufflets de forge pour poumons, dont l’ossature est en fonte, et les muscles en acier. Or le capital d’un actionnaire se transforme en machines inanimées, qui ont leurs équivalents dans les machines humaines. Si le capital machine inanimé rapporte 5 % à son possesseur l’actionnaire, le capital machine humaine doit rapporter également 5 % à son possesseur l’homme, si tant est que le corps de l’ouvrier lui appartienne en propre, et non pas au gérant de la Compagnie. Telle étant la théorie, voici quelle serait la pratique :

Un ouvrier, payé pour ses services 1 000 fr. par an, serait considéré comme apportant à l’entreprise une valeur de 20 000 fr., et serait égal, devant la Caisse sociale, à un actionnaire détenteur de 40 actions de 500 fr. chacune. — l’exemple ci-dessus se présenterait ainsi :

Pour achat d’usines et de matières premières, pour fonds de roulement, etc… un capitaliste apporte fr. 1 000 000
moyennant 5 % d’intérêt annuel, soit 50 000 fr. Plus une part légitime dans les bénéfices.

De leur côté, 100 ouvriers se joignent au capitaliste. En force, en intelligence et en énergie, leur apport est évalué à fr. 2 000 000 pour lequel ils recevront un salaire annuel et collectif de 100 000 fr.,