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les inoïts occidentaux.

Dans leurs accès prophétiques, ils se livrent à des contorsions extravagantes, à des mouvements désordonnés et convulsifs, poussent des hurlements qui semblent n’avoir plus rien d’humain ; une voix rauque sort d’une bouche écumante, leur teint s’empourpre et leurs yeux s’injectent ; et souvent, ils deviennent aveugles à la suite de congestions[1]. Ils passent par des fatigues et des épuisements dont on ne se fait pas idée ; ils sont harassés par toutes les fibres du corps, exténués par chaque fibrille du cerveau[2]. Quoi d’étonnant à ce qu’ils soient tristes et mélancoliques, enclins aux idées noires ! « Leur physionomie communique à l’âme un sentiment pénible et profond[3]. » On observe chez eux une crainte excessive de la mort ; ils redoutent jusqu’à la vue d’un cadavre, et cependant ils versent dans les pensées de suicide. Hall raconte :

« La femme de Jack ramait quand elle fut prise d’un accès que je pris d’abord pour une crise d’épilepsie. Elle éclata en cris sauvages, familiers, paraît-il, à ceux qui pratiquent la sorcellerie. Tous alors de redoubler d’efforts. Sa voix vagissait étrangement ; de ses lèvres partaient comme des pétards. Les matelots répondaient en chœur. Sa mélodie s’accentuait de minute en minute, se faisait toujours plus sauvage ; en même temps elle poussait à la rame, déployait une vigueur surhumaine. De retour au camp, la représentation reprit dans la nuit. Jack disait une sorte de liturgie, les femmes chantant, et les hommes répondant. Cela dura plusieurs heures, et le lendemain, puis le surlendemain, on en fit autant. »

  1. Venjaminof, traduit par Erman.
  2. Wrangell, Observations, etc.
  3. Hyacinthe, le Chamanisme en Chine.