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les inoïts occidentaux.

seule poignée avec repos, à deux pleines poignées avec tracas et rongement d’esprit ».

Doués d’une endurance à toute épreuve, ils résistent au froid, à la faim, à la fatigue, avec un calme et une sérénité qui méritaient l’admiration et leur ont valu le mépris. Tant qu’ils ne sont pas poussés à bout, — et alors leur rage ne connaît aucune borne, et s’ils ne se peuvent venger, ils se suicideront sans hésiter, — les Aléouts ont la forte patience du bœuf, la douceur affectueuse de la vache ; aussi n’a-t-on pas manqué de dire que leur patience, attribut bestial, dérive de l’insensibilité. La douleur serait bien vive et l’oppression bien dure qui provoqueraient une plainte ; la maladie n’arrache aucun soupir, aucun gémissement.

N’ayant rien mis sous la dent depuis trois à quatre jours, cet homme peine et fatigue sans trahir aucun malaise. On l’interroge : — « Tu souffres ? » — Il ne répond pas, et si l’on insiste, il sourit tristement. Aux chasseurs il arrive de s’attraper la jambe dans un piège à loup ou renard. Le fer barbelé ne peut être retiré qu’à travers le membre ; ils subissent l’opération sans geste d’impatience, au besoin, l’exécutent tout seuls. Du reste, ces blessures, traitées par la diète et le repos, ne tardent pas à guérir.

À la différence de nos polissons, les enfants ne se giflent, ne se talochent ; leur dépit ne se manifeste que par des observations désagréables à l’adresse des parents. D’ailleurs, à se chamailler on serait empêché, les termes d’injure et d’insulte faisant défaut à la langue. Mais il y a été pourvu par la civilisation, et les ivrognes qui s’apostrophent, disposent aujourd’hui d’un petit stock de termes outrageants, tiré du vocabulaire russe. Jadis, quand des hostilités s’engageaient de tribu à tribu, la plus enragée dressait une embuscade, tentait un mauvais coup, le