Page:Reclus - Les Primitifs.djvu/365

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
345
le bal sanglant.

flèches, ils font savoir aux hommes de l’autre tribu qu’on les attend en tel endroit, au soleil levé. Les interpellés répondent par des remerciements et des félicitations, récompensent les hérauts comme s’ils eussent été porteurs d’une heureuse nouvelle.

Au jour indiqué, les guerriers se présentent au rendez-vous dans leur plus bel accoutrement, lavés et parfumés comme pour la noce ; ils ont tressé leur chevelure, piqué dans leur chignon des plumes qui se balançent au vent, hautes et fières autant que fut jamais panache sur chevalier casqué. Les femmes arrivent avec des cruches d’eau et des corbeilles d’aliments, car la mêlée sera rude et pourra durer plusieurs jours. Prennent place comme spectateurs les vieillards, auxquels l’âge ne permet plus d’entrer dans la lice ; ayant participé à maintes de ces fêtes, ils conseilleront et encourageront fils et neveux. Le signal de la mêlée est donné par le parti agresseur, qui au milieu du champ jette un drap rouge, — on fera à la terre un manteau sanglant. — Les djannis frappent dans la main : Une, deux, trois… Allez-y gaiement !

La bataille est une succession de combats singuliers, coupés de repos et de repas, entremêlés de défis et dialogues, à la façon des héros d’Homère. Les spectateurs jouissent des passes d’armes ; on dirait une représentation de gladiateurs ; c’est un jeu, mais un terrible jeu. Les horions de tomber en grêle ; les guerriers, autant de bûcherons au travail dans un taillis d’hommes. Superbes coups de hache, charmantes feintes, élégants écarts, gracieuses passes et ripostes, beaux donnés et beaux rendus ! Les femmes d’applaudir, les femmes dont la présence est tenue pour indispensable. Épouses, sœurs et mères, essuient la sueur qui découle des fronts sanglants, rafraî-