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vi

LES
VIERGES DE VERDUN[1],
ODE
QUI A OBTENU UNE AMARANTHE RÉSERVÉE ;
Par M. Victor-Marie HUGO.


Et les vierges de la vallée d’Oahram vinrent à moi, et elles me dirent : chante-nous, parce que nous étions innocentes et fidèles.

Gud-Éli, Poëte persan.


Pourquoi m’apportez-vous ma lyre ?
Spectres légers, que voulez-vous ?
Fantastiques beautés, ce lugubre sourire
M’annonce-t-il votre courroux ?
Sur vos écharpes éclatantes
Pourquoi flotte à longs plis ce crêpe menaçant ?
Pourquoi ces verts festons sur ces chaînes pesantes,
Et ces roses teintes de sang ?

  1. Henriette, Hélène et Agathe Wattzin, filles d’un officier supérieur ; Barbe Henri, Sophie Tabouillot, et plusieurs autres jeunes filles de Verdun furent traduites devant le tribunal révolutionnaire, comme coupables d’avoir présenté des fleurs aux Prussiens, lors de leur entrée en cette ville. Les trois premières, qui seules font le sujet de mon Ode, étaient accusées, en outre, d’avoir distribué de l’argent et des secours aux émigrés. Une loi de sang punissait de mort ce singulier genre de délit. Fouquier-Tainville, charmé de la beauté des trois vierges, leur fit insinuer qu’il tairait cette dernière partie de l’accusation, si elles écoutaient des propositions injurieuses à leur honneur. Elles refusèrent, furent condamnées, et traînées à la mort avec vingt-neuf habitans de Verdun. La plus âgée de ces trois sœurs avait dix-sept ans.

    Barbe Henri, Sophie Tabouillot, et leurs compagnes, parmi lesquelles se trouvaient des enfans de treize à quatorze ans, furent condamnées au carcan et à vingt années de détention à la Salpêtrière. Le Directoire leur rendit la liberté.

    (Voy. les Mém. de Bert. de Molleville, l’Histoire de la révolution par Lacretelle, les Archives du tribunal révolutionnaire, etc., etc.)