Page:Redon - À soi-même, 1922.djvu/141

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aiment mes lithographies. Le fusain, matière légère qu’un souffle soulève, m’a permis la rapidité d’une gestation propice à l’expression docile et facile du sentiment. Je voudrais que l’on comprît, en feuilletant la série, l’acharnement que j’ai mis à connaître ce que le beau granit de Munich pouvait fournir et multiplier, pour le meilleur éclat de l’estampe dans le mode expressif. Il est quelques planches dont le résultat graphique l’apprendra, sans doute, et justifiera les autres, je l’espère.

Puis il faut être modeste pour mettre sous les yeux du public la totalité de ses fruits — toujours plus ou moins bons selon les années, selon nos jours.


1915, Réponse à une circulaire pacifiste venue de Hollande (15 Mars).

Monsieur, pour répondre à la demande que vous avez bien voulu m’adresser, je vous prierais de vous mettre par la pensée à notre place.

Veuillez supposer la Hollande envahie et l’ennemi occupé par surcroît, après les iniquités qu’il a commises et que vous savez, à détruire automatiquement, et sans raisons militaires, quelques-unes des belles œuvres d’art de votre patrimoine. Penseriez-vous à formuler des vœux pour la paix ? Je ne le crois pas : l’heure vous paraîtrait prématurée.

Non : l’Allemagne actuelle est une nation sans gloire et déshonorée, et son déshonneur suit le cours d’une progression dont la fin, on le pressent, sera loin de la rendre digne du pardon que vous dites, et d’entrer dans la grande famille d’amour humain et de bonté dont nous sommes, dont vous êtes, et qui vous a dicté, Monsieur, en termes attachants, en termes si nobles et élevés, la circulaire confidentielle que vous m’avez communiquée.

Comprenez que j’attende pour vous répondre le moment où