Page:Regnard - Œuvres complètes, tome troisième, 1820.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au soudain changement qui se fait dans mon âme.

strabon.

Madame, par hasard, n’êtes-vous point ma femme ?

cléanthis.

Monsieur, par aventure, êtes-vous mon époux ?

strabon.

Il faut que cela soit ; car je sens que pour vous
Dans mon cœur tout à coup ma flamme est amortie,
Et fait en ce moment place à l’antipathie.

cléanthis.

Ah ! Te voilà donc, traître ! Après un si long temps,
Qui t’amène en ces lieux ?
Qu’est-ce que tu prétends ?

strabon.

M’en aller au plus tôt. Que ma surprise est forte !
Dis-moi, ma chère enfant,
pourquoi n’es-tu pas morte ?

cléanthis.

Pourquoi n’es-tu pas morte ! Indigne, scélérat,
Déserteur de ménage, et maudit renégat,
Pour t’arracher les yeux…

strabon.

Pour t’arracher les yeux…Ah ! Doucement, madame.

(à part.)

Ô pouvoir de l’hymen, quel retour en mon âme !

cléanthis, à part.

Je ressentois pour lui les transports les plus doux,
Hélas ! Qu’allois-je faire ? Il étoit mon époux.

(Haut.)

Va, fuis. Que le démon, qui te prit en ton gîte
Pour t’amener ici, t’y remporte au plus vite.