Page:Regnard - Œuvres complètes, tome troisième, 1820.djvu/219

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Chez vous, toute la nuit, on n’entend d’autre chose
Qu’aller, venir, monter, fermer, descendre, ouvrir,
Crier, tousser, cracher, éternuer, courir.
Lorsque, par grand hasard, quelquefois je sommeille,
Un bruit affreux de clefs en sursaut me réveille.
Je veux me rendormir, mais point : un juif errant,
Qui fait du mal d’autrui son plaisir le plus grand ;
Un lutin, que l’enfer a vomi sur la terre
Pour faire aux gens dormants une éternelle guerre,
Commence son vacarme, et nous lutine tous.

Albert

Et quel est ce lutin et ce juif errant ?

Lisette

Vous.

Albert

Moi ?

Lisette

Oui, vous. Je croyois que ces brusques manières
Venaient de quelque esprit qui vouloit des prières ;
Et, pour mieux m’éclaircir, dans ce fâcheux état,
Si c’étoit âme ou corps qui faisoit ce sabbat,
Je mis, un certain soir, à travers la montée,
Une corde aux deux bouts fortement arrêtée :
Cela fit tout l’effet que j’avois espéré.
Sitôt que pour dormir chacun fut retiré,
En personne d’esprit, sans bruit et sans chandelle,
J’allai dans certain coin me mettre en sentinelle :
Je n’y fus pas longtemps qu’aussitôt patatras !
Avec un fort grand bruit, voilà l’esprit à bas :