Page:Regnard - Œuvres complètes, tome troisième, 1820.djvu/270

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et, pour mettre d’accord ces deux messieurs ensemble,
Je n’ai pas, pour venir, trop tardé, ce me semble.

Albert

Vous voyez donc, monsieur, d’où procède son mal ?

Crispin

Je le vois aussi net qu’à travers un cristal.

Albert

Tant mieux. Vous saurez que, depuis tantôt, la belle
Sent toujours de son mal quelque crise nouvelle :
En ces lieux écartés, n’ayant nuls médecins,
Monsieur m’a conseillé de la mettre en vos mains.

Crispin

Sans doute elle seroit beaucoup mieux dans les siennes ;
Mais j’espère employer utilement mes peines.

Albert

Vous avez donc guéri de ces maux quelquefois ?

Crispin

Moi ? Si j’en ai guéri ? Ah ! Vraiment, je le crois.
Il entre dans mon art quelque peu de magie.
Avec trois mots, qu’un juif m’apprit en Arabie,
Je guéris une fois l’infante de Congo,
Qui vraiment avoit bien un autre vertigo.
Je laisse aux médecins exercer leur science
Sur les maux dont le corps ressent la violence :
Mais l’objet de mon art est plus noble ; il guérit
Tous les maux que l’on voit s’attaquer à l’esprit.
Je voudrois qu’à-la-fois vous fussiez maniaque,
Atrabilaire, fou, même hypocondriaque,
Pour avoir le plaisir de vous rendre demain