Page:Regnard - Œuvres complètes, tome troisième, 1820.djvu/349

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Non, je ne vois que vous qui, sans art, sans secours,
Puissiez paroître ainsi plus jeune tous les jours.

Araminte

Fi donc, badin ! L’amour quelquefois, quoique absente,
À votre souvenir me rendoit-il présente ?
Votre portrait charmant, et qui fait tout mon bien,
Que je reçus de vous, quand vous prîtes le mien,
Me consoloit un peu d’une absence effroyable :
Le mien a-t-il sur vous fait un effet semblable ?

Le Chevalier

Votre image m’occupe et me suit en tous lieux ;
La nuit même ne peut vous cacher à mes yeux.
Et cette nuit encor, je rappelle mon songe,
(Ô douce illusion d’un aimable mensonge !)
Je me suis figuré, dans mon premier sommeil,
Être dans un jardin, au lever du soleil,
Que l’Aurore vermeille, avec ses doigts de roses,
Avait semé de fleurs nouvellement écloses :
Là, sur les bords charmants d’un superbe canal,
Qui reçoit dans son sein un torrent de cristal,
Où cent flots écumants, et tombant en cascades,
Semblent être poussés par autant de Naïades ;
Là, dis-je, reposant sur un lit de roseaux,
Je vous vois sur un char sortir du fond des eaux :
Vous aviez de Vénus et l’habit et la mine :
Cent mille Amours poussoient une conque marine,
Et les zéphyrs badins, volant de toutes parts,
Faisoient au gré des airs flotter des étendards.