Page:Regnard - Œuvres complètes, tome troisième, 1820.djvu/80

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démocrite.

Pour lui vous sentez donc cet appétit secret…

(à part.)

J’ai bien peur d’être ici curieux indiscret.

criséis.

Quand le prince tantôt s’est offert à ma vue,
J’ai senti dans mon cœur une flamme inconnue ;
Tout ce qu’il me disoit me donnoit du plaisir ;
Ma bouche a laissé même échapper un soupir.
En cessant de le voir, une tristesse affreuse
Tout d’un coup m’a rendue inquiète et rêveuse ;
À son air, à ses traits, j’ai pensé tout le jour :
Je l’aime, si c’est là ce qu’on appelle amour.

strabon.

Oui, voilà ce que c’est. Peste ! Quelle ignorante !
Vous êtes devenue en un jour bien savante !
Vous n’aviez pas besoin tantôt de nos leçons ;
Ni nous, de nous étendre en définitions.

démocrite.

Enfin donc vous aimez ?

criséis.

Enfin donc vous aimez ? Moi ?

démocrite.

Enfin donc vous aimez ? Moi ? Voilà, je vous jure,
Les symptômes d’amour que cause la nature.

criséis.

Quoi ! C’est là ce qu’on nomme amour ?

démocrite.

Quoi ! C’est là ce qu’on nomme amour ? Et vraiment oui.