Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/152

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peu d’eau, ce qui, à cette heure me paraissait la chose du monde la plus précieuse.

C’était le supplice de Tantale : je n’avais pas d’eau sous les yeux, mais je l’entendais sans cesse battre les flancs du navire ; de l’eau de mer, j’en conviens, je n’aurais pas pu la boire, quand même elle eût été à ma portée, mais c’était le murmure de l’eau qui frappait mes oreilles, et il ajoutait à mes souffrances tout ce que la tentation a d’exaspérant.

Je ne doutais pas que la soif ne dût me tuer dans un délai plus ou moins long. Combien durerait mon agonie ? J’avais entendu parler d’hommes qui étaient morts de soif après des tortures indicibles ; j’essayai de me rappeler le nombre de jours qu’ils avaient souffert, et je ne pus y parvenir. Six ou sept, pensai-je. Cette idée m’épouvanta. Comment supporter pendant une semaine l’angoisse que j’endurais ? C’était au-dessus de mes forces, et je demandai à la mort de mettre un terme plus rapide à mes douleurs.

Mais l’espérance allait revenir. J’avais à peine cédé à cet accès de découragement, lorsque j’entendis un son qui changea le cours de mes pensées, et me causa autant de bonheur que j’avais eu d’angoisses.