Page:Reinaud - Mémoire sur le Périple de la mer Érythrée.djvu/19

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où s’arrêtaient les vaisseaux romains, et qu’il eût abandonné l’intérieur des terres à un cheik arabe feudataire. C’est ce qui est dit par les écrivains arabes au sujet des princes gassanites[1], dont quelques-uns avaient embrassé le christianisme, et ce qui est d’accord avec la numismatique romaine. Parmi les médailles romaines frappées à Pétra, nos cabinets possèdent des pièces d’Adrien, de Marc-Aurèle, de Septime-Sévère et de ses enfants ; mais il n’y en a pas pour l’époque dont il s’agit ici[2]. Espérons que les inscriptions en caractères sinaïtiques, qui ont été découvertes récemment sur la route de Pétra vers le Hauran et Palmyre, jetteront du jour sur cette question.

Au moment où le navire longeait la côte de l’Arabie, à l’ouest et au midi, toute l’Arabie Heureuse, en deçà et au delà du détroit de Bab al-Mandeb, formait un vaste État gouverné par le roi Charibael. Ce royaume, du côté du nord, semble n’avoir eu pour voisins que des populations à moitié sauvages, adonnées au vol et à la piraterie ; mais, du côté du sud-est, il était borné par les domaines d’un prince nommé Éléaz. L’auteur du Périple ajoute que Charibael mettait un soin particulier à cultiver l’amitié des empereurs[3], et que, dans cette vue, il leur envoyait de fréquentes députations et de riches présents. Aucun écrivain, ni grec ni arabe, n’a fait mention du nom de Charibael ; mais il se rencontre dans quelques-unes des inscriptions en caractères et en langue hymiarites découvertes récemment[4]. Or on sait que, dans le IIIe, le IVe et le Ve siècle de notre ère, les Himyarites, appelés par les Grecs du nom d’Homérites, for-

  1. Ceussin de Perceval, Histoire des Arabes, t. II, p. 199-222.
  2. Voyez Eckhel, Doctrina, t. III, p. 503, et Mionnet, Description des médailles antiques, t. V, p. 587 et suppl. t. VIII, p. 387.
  3. Φίλος τῶν αὐτοϰρατόρων, p. 274.
  4. Mémoire de M. Fresnel, dans le Journal asiatique du mois de septembre 1845, p. 169 et suiv. Voyez aussi le mémoire de M. Osiander, Journal de la Société orientale d'Allemagne, année 1856, t. X, p. 59 et suiv.