Page:Reinaud - Mémoire sur le Périple de la mer Érythrée.djvu/22

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Voici maintenant un fait décisif en faveur de la date que j’ai assignée à la rédaction du Périple. Le navire, en poursuivant sa marche au midi de l’Arabie, relâche, un peu avant d’arriver à l’entrée du golfe Persique, dans un port défendu par un poste persan[1]. En 246, la Perse était sous les lois de Sapor Ier. L’existence d’un poste persan sur la côte méridionale de l’Arabie s’applique naturellement à une époque où les Persans occupaient le Bahrein et toute l’enceinte du golfe Persique. Jusque vers l’an 225 de notre ère, c’est-à-dire jusqu’à la chute du royaume de la Mésène, les rois de Perse n’avaient eu ni commerce maritime ni flotte. Pourquoi et comment auraient-ils établi un poste dans une région aussi éloignée ?

À partir de là, le navire, entrant dans le golfe Persique, cingle vers Spasiné-Kharax et va s’amarrer aux quais d’Obollah[2]. Cette ville, dont il a été parlé dans le mémoire précédent, et que l’auteur a le soin de dire être une place de commerce persane, est ici indiquée sous la forme grecque Apologos. C’est pour la première fois qu’on voit apparaître ce nom. Il ne se trouve pas dans le traité de Ptolémée : c’est une nouvelle preuve que le traité de Ptolémée est de beaucoup antérieur au Périple de la mer Érythrée. Dira-t-on que, si Ptolémée n’a point parlé de cette ville, c’est par pur oubli ? Ptolémée ne faisait pas d’oubli de ce genre[3].

  1. Άλλ ἠδη τῆς Περσίδος. (Voyez à la p. 283.)
  2. P. 284 et 285.
  3. M. Quatremère a fait remarquer que le nom d’Obollah est cité dans le traité arabe de l’Agriculture nabathéenne. C’est une preuve de plus que la rédaction de cet ouvrage ne remonte pas à une époque ancienne. (Voyez le Journ. asiat. du mois de février 1861, p. 158.)