Page:Reinaud - Mémoire sur le Périple de la mer Érythrée.djvu/34

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crire les noms sanscrits qui se rencontrent dans les livres chinois[1], il écrit Vidjambha-poura. En 1853 et en 1858, M. Julien accompagnait ses transcriptions d’un point d’interrogation ; dans sa dernière publication, il présente la nouvelle transcription comme une restitution définitive. Malheureusement il n’apporte aucune espèce de raison en faveur d’une quelconque de ces trois transcriptions, et la question reste absolument au point où elle était.

Voyons si ma restitution a plus de chance de succès. Je commence par détacher le dernier mot des deux transcriptions chinoise et persane, mot qui, dans l’une, est la simple traduction de l’autre. Pour exprimer le mot ville, les Persans disent ahâd[2] et les Indiens tantôt poura (en grec ῶόλις), et tantôt nagara. Ainsi il n’y a plus à s’embarrasser du dernier mot, et l’on n’a à s’occuper que du premier. Le mot Bahman se termine par une n. Or la lettre n est souvent supprimée par les Chinois ; ainsi, pour le sanscrit avadana, ils écrivent po-to. Nous sommes donc réduits aux trois lettres b, h et m. Arrivés là, la tâche devient facile. Bahma peut se rendre, en indien, par Bahma, Bahpa, Bahba, Bahva, Basva, Vasva, Vasma, etc. En effet, le v et le b s’emploient l’un pour l’autre. On sait aussi que les Indiens emploient indifféremment l’h et l’s ; c’est ainsi que, dans l’Inde, on dit Hind et Sind ; par la même rai-

  1. Paris, 1861, p. 92.
  2. Abâd [texte arabe] est pris encore en Perse dans le sens de lieu où il y a de l’eau, lieu habité, demeure. On le retrouve en pehlvi sous la forme afât. (Voyez Spiegel, Die traditionelle Litter. p. 355.) C’est un composé de ab ou af, eau, et du suffixe âd, qui indique la possession, et qui existe dans le sanscrit sous les formes at et ant. À la place de abâd, les Persans disent aussi abdân [texte arabe], ou lieu contenant de l’eau. (Voyez le mémoire sur la Mésène.) L’abdân était un lieu découvert, arrosé d’eau et dans un site agréable, où les rois et les grands allaient passer la belle saison sous des tentes, avec la faculté de se déplacer à volonté Quant au ferdous ou paradis, dans l’antiquité, c’était un lieu clos et planté d’arbres, disposé pour la promenade et la chasse.