Page:Reiset - Mes souvenirs, tome 1.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
286
MES SOUVENIRS

geait dans une éventualité incertaine pour se lancer dans une carrière bien plus périlleuse, mais qui lui inspire moins de crainte. »

Le marquis Colli qui eût volontiers sacrifié sa seconde jambe pour éviter une entreprise qu’il jugeait téméraire et folle ne devait pas rester longtemps ministre. Dès le 8 mars il donnait sa démission, et il était remplacé par M. Ferraris, avocat et député de Gênes. Tous ceux qui avaient quelque compétence en matière d’organisation militaire regardaient comme absurde une entrée en campagne à ce moment. L’armée avait été remise matériellement sur un pied respectable, mais sous le rapport moral elle était restée à peu près dans l’état où elle était lors de sa reconstitution. La discipline y était presque nulle ; les habitudes du service y conservaient seules une apparence d’ordre, mais ce qui constitue le véritable esprit de dévouement et de discipline dans une armée n’existait pas. Les soldats disaient hautement qu’ils ne feraient pas la guerre : on pouvait être sûr qu’il n’y aurait ni l’élan ni la confiance qui donnent la victoire si l’obéissance au drapeau leur faisait passer le Tessin. Les officiers qui en majorité appartenaient au parti conservateur et à l’aristocratie étaient opposés à la guerre : ils étaient d’ailleurs ulcérés des actes et des propos offensants du minis-