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MES SOUVENIRS

mondaines Rachel alla demander à Samson ce qu’il y avait à faire en pareil cas. Il lui répondit que quand on n’avait rien de mieux à faire on acceptait et qu’on répondait un petit mot. Rachel, suivant ce conseil à la lettre, écrivit à Mme de La Redorte un billet ainsi conçu : « Certainement j’irai, car je n’ai rien de mieux à faire et je serai exacte. » Le lendemain je lui écrivis pour lui demander quel jour aurait lieu la représentation d’Adrienne Lecouvreur. Elle me répondit par un petit billet fort aimable qu’elle déclarait ne pas valoir celui de Mme de La Redorte.

Malgré les applaudissements qui la saluaient Mlle Rachel n’était pas comprise à Turin. Elle était admirée plutôt sur sa réputation que par une appréciation véritable de son talent. On allait la voir comme une curiosité, mais on ne comprenait pas la grande artiste. Aussi dès la troisième représentation la salle était-elle fort dégarnie, et il était vraiment pénible de l’entendre juger dans un salon. Une dame critiquait un jour devant moi sa manière de s’habiller : elle trouvait mauvais qu’elle n’eût pas mis de corset pour jouer le rôle de Phèdre et que sa taille ne fût pas mieux dessinée. On ne s’engoue à Turin que pour les danseuses ; une grande cantatrice ou une grande tragédienne n’attire pas au théâtre autant de monde. Aussi toutes les fois qu’une