Page:Reiset - Mes souvenirs, tome 1.djvu/474

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
465
CHAPITRE SEIZIÈME

actrice attire la foule au théâtre le public pense que cela doit être une danseuse. Lorsque je chargeai le decano de l’ambassade, vieux domestique nommé Civallero, de porter mon billet à Mlle Rachel, il s’écria ; « Ah ! oui » cette fameuse danseuse ! « Et comme je me mis à rire de sa bévue, il reprit : « Cette chanteuse ! » et il fut tout étonné en me voyant rire plus fort encore.

Quelques semaines plus tard le coup d’État du 2 décembre vint donner à la politique intérieure de la France une direction nouvelle. Le lendemain le ministre de Sardaigne à Paris alla complimenter le prince Président à l’Élysée. « Je trouvai le prince, écrivit-il, comme transfiguré. Lui naguère si sombre vint à moi tout souriant, et me dit en propres termes : « À présent que je puis faire ce que je veux, je ferai quelque chose pour l’Italie. Vous pouvez le mander à votre gouvernement. » Cette promesse ou cette confidence, jetée ainsi au lendemain même du coup d’État, devait être bien précieuse pour un esprit aussi sagace et aussi entreprenant que celui du comte de Cavour. À mon avis, c’est de cette époque que cet homme d’État conçut son grand dessein et le jugea réalisable. De fait tous les éléments nécessaires pour le succès se trouvaient ainsi à sa portée. En travaillant dans le sens de