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CHAPITRE DEUXIÈME

En 1829, le prince de Carignan, désormais reconnu comme héritier présomptif de la couronne, fit un long séjour en Sardaigne. Il revint en visitant les côtes d’Afrique, passant devant Alger, Tunis et Tripoli et examinant les positions militaires des États barbaresques. En Sardaigne, il avait fait la connaissance du vicomte de Flumini, un des principaux feudataires de l’île qui avait été pendant cinq ans esclave du dey d’Alger. Il avait rapporté de sa captivité des observations médicales assez curieuses. Toutes les fois qu’un homme est malade, racontait-il, les Turcs lui ouvrent violemment la bouche et regardent ses dents. Si elles sont blanches, le mal n’est pas grave et on le fait travailler. Charles-Albert, très dur pour lui-même, avait pris note de cette observation. Quand il se sentait indisposé, il prenait un miroir ; si ses dents lui paraissaient suffisamment blanches, il surmontait sa souffrance et continuait son genre de vie habituel.

Le même vicomte de Flumini racontait qu’il avait été guéri de la goutte de la façon la plus étrange. Ce mal rendant sa captivité plus pénible encore, il résolut de s’évader. Arrêté par des janissaires, il reçut, sur l’ordre de son maître, cent cinquante coups de bâton sur la plante des pieds. La douleur fut atroce, mais la goutte avait disparu.