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MES SOUVENIRS

faire un affront public sans avouer que vous avez perdu la raison. Mais comme, dans ce cas, je lui devrais une satisfaction, je vous annonce que si demain matin vous êtes encore dans les mêmes sentiments, vous entrerez immédiatement au couvent. » La malheureuse princesse fit une profonde révérence et se retira en disant : « Votre Majesté aura demain ma réponse. » Le lendemain, elle arriva pâle et tremblante chez la reine, en lui disant : « Je l’épouserai. »

Le roi de Naples conserva, malgré l’extrême froideur de la princesse, son genre familièrement tendre, s’asseyant si près d’elle aux grands dîners de la cour qu’elle ne pouvait plus remuer, l’appelant tout haut mia cara Christina, touchant son collier, ses cheveux, s’appuyant les deux coudes sur la table, en sifflant un air. La princesse élevée à la cour plus qu’austère de ses parents, habituée à l’étiquette très rigoureuse de celle du roi Charles-Albert, étiquette introduite à la cour de Turin par la reine Fernande d’Espagne qui avait épousé Victor-Amédée III, père des rois Charles-Emmanuel IV, Victor-Emmanuel Ier et Charles-Félix, trouvait de la dernière indécence cette manière de se conduire, effectivement fort peu convenable. Elle ne put contenir ses larmes qu’elle s’efforçait de cacher au grand cercle du monde qui