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CHAPITRE TROISIÈME

branche napolitaine de la maison de Bourbon, qui eut lieu sous le règne de Charles-Albert, ne fut pas moins malheureuse. Le prince Eugène de Carignan, qui avait été reconnu comme membre de la famille royale de Sardaigne, avait une sœur Philiberte à qui le roi donna également rang à la cour. C’était une belle personne, grande et forte, mais de l’esprit le plus bizarre. Ses excentricités touchaient parfois à la folie. Elle passait son temps à de continuelles ablutions. Tout le monde la dégoûtait tellement que, si on effleurait seulement sa robe, elle se lavait immédiatement. Elle s’habillait et se coiffait seule afin que sa femme de chambre ne la touchât pas ; elle lui faisait tenir longtemps ses mains dans l’eau devant elle avant de faire son lit. Quand une personne venait la voir, elle lavait la chaise sur laquelle la visiteuse s’était assise. Demandée en mariage par le prince don Miguel de Portugal, elle refusa. Elle fut demandée un an après par le comte de Syracuse, frère du roi de Naples. Charles-Albert interposa son autorité et l’obligea à accepter. Le prince lui écrivit deux fois ; avant d’ouvrir ses lettres, elle les fit laver par ses femmes, à ce point que personne ne pouvait plus les lire. Au moment de son départ, la reine n’avait pas eu le courage de l’instruire elle-même des devoirs du mariage. Elle en chargea sa dame