Page:Remy - Les ceux de chez nous, vol 7, Mal de dents, 1916.djvu/9

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qui tirent si fort que leur « gorai » remonte et qu’ils font aller leur tête en remuant les « roudjons » pendant que l’homme tout sale, avec un petit comique tablier blanc, crie et clape. Il passe aussi des charrettes de messagers, avec des hautes « flakes » et une toile grise avec des pièces blanches sur des « cèkes » ronds pour faire le toit. Et derrière, la toile est tinglée avec une corde dans l’ouhlet avec des plis en rond comme la chose d’une poule. En dessous de la charrette, il y a une grande plate caisse qui pend entre les roues, avec dedans tout plein des affaires et un chien qui dort sur des cliquottes.

Avec le plateau de pèket tout près de moi, je mets ma tête sur le côté et je commence avec mon doigt à mettre goutte à goutte du pèket sur mon dent. Chouf ! c’est froid d’abord. Puis il me semble que chaque goutte est comme une petite bête qui gratte ma viande autour de mon dent et ôte un peu du mal. C’est si drolle, et tout le côté de ma bouche en dedans est devenu tout dur, me semble-t-il, que je ne sens presque plus rien. C’est bon le pèket ! Pourtant, il y a des gouttes qui courent dans mon estomac et il faut bien que je les avale pour ne pas étrangler. Ça pique, c’est fort, ça me fait comme une vapeur dans la gorge que je ne saurais plus parler, je crois. J’en mets toujours le plus que je peux sur mon dent, mais je ne saurais plus dire si c’est mon dent et ma main et ma bouche ou bien les celles d’un autre parce que je me sens tout tournisse. À mes joues j’ai