Page:René Benjamin - Chronique d’un temps troublé, 1938.djvu/52

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parbleu, on craint l’invasion, si la grève se généralise !

Dire que je me croyais capable de causer ! Je sentais la baisse de mon courage après chaque phrase découragée. Et pourtant, cet homme a donné un héros ! Mais pourquoi parle-t-il de ce qui ne le regarde pas ? Pourquoi ne laisse-t-il pas les journalistes et les politiciens s’épuiser de paroles, sans lire les premiers, en ignorant les seconds ? Pourquoi raisonne-t-il au milieu des nuées et des mensonges ? Son seul destin, c’est de s’occuper de noblesse et d’honneur.

Je n’ai retrouvé mon souffle et mon aisance, qu’en me sauvant, quand j’ai été loin, que j’ai respiré à grandes gorgées. Mais je suis tombé dans les bras de Bailly, l’avoué, qui sortait de son étude. Il était sur sa porte, entre ses panonceaux. Quelqu’un l’accompagnait, que j’ai reconnu vite : son frère. Ce frère est un médecin remarquable ; lui un bourgeois cossu. Arrivé le second ! Son frère avait pris tout l’esprit. Ce dernier a-t-il vu que je savais ? Comme je le louais d’être un grand guérisseur, il m’a dit : « Il y a tant de misères… à quoi on ne peut rien !… » Il regardait son frère. Puis il s’est esquivé. Je suis resté avec l’autre. Pas longtemps.

— Alors, m’a dit cet homme qui vit entre les affaires, le droit, l’argent, trois monstres,