Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/129

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illogique, au point que, jugeant Bruggle d’après soi, il doit aujourd’hui s’avouer qu’il n’a jamais cessé de demander aux autres ses possibilités. Mais parce que le dépit l’arme contre soi-même, il s’amoindrit jusqu’à voir dans ses plus terribles mélancolies (celles qu’il attribuerait volontiers à quelque souci métaphysique) la simple marque d’un esprit chagrin, héritage de Mme Dumont-Dufour dont l’humeur tracassière trouve dans les aventures domestiques les plus infimes un aliment au goût de cendre.

En outre, parce que sa mère, afin de l’apitoyer sur elle-même et aussi de diminuer à ses yeux le colonel, lui a raconté sa nuit de noces et n’a rien oublié de l’histoire d’une morsure à l’épaule et d’une virginité ravie sans que le colonel qui cependant passait pour un homme bien élevé eût pris le temps d’ôter ses bottes, Pierre, chaque fois que sa bouche erre par un corps dont la chair tente ses dents, ou que son désir le précipite encore mi-vêtu sur des bras, une poitrine, une jambe ou un ventre, sa frénésie apaisée, croit qu’il est, après de tels actes, destiné purement et simplement à Ratapoilopolis.

La force d’un Bruggle, au contraire, vient de ce qu’il est dans son égoïsme aussi naturel qu’un fruit. Non moins compliqué sans doute, mais harmonieux toujours. Sa bonne humeur, les premiers temps qu’il le connut, fait dire à Pierre : « Être à côté de ce garçon