Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/139

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de simple transition. Il est le pont de Mme  Dumont-Dufour à Bruggle, d’une adolescence que la tristesse a faussée à une jeunesse vraie, des scrupules tièdes aux joies crues. Tout à l’heure, à jamais, seront abandonnées les vieilles hantises. L’innocence insolente des heures, désormais, plus et mieux que le soleil le dorera.

Diane dîneuse, sa voisine, vers elle le seul malheur l’a conduit. Diane, douce compagne des hivers, sœur d’ombre. D’elle, en silence, il s’éloigne, car il veut croire que Bruggle, son frère de lumière, le sauvera. Fini l’attendrissement des ciels gris, des pluies fines. Pierre n’a plus besoin d’une garde-malade qui le promène par des rues sans joie. Sa peur du vent trop libre, de la colère des vagues, grâce à Bruggle, va devenir cette inquiète audace qui décide des départs et donne aux aventures leur goût.

Pierre, de Bruggle, prendra la force de n’avoir besoin de personne et, dès ce soir, puisque Bruggle l’a prié à le venir voir — il ne se rappelle point que c’est par pitié — commencera le règne de la joie. Et déjà, Diane, qui n’a point quitté Pierre des yeux, est surprise du sourire dont se colorent ses lèvres. Elle est surprise et triste très vite, effrayée même. Comme une mère qui voit son enfant soudain guéri sans avoir pu saisir les moindres signes d’un mieux pourtant épié, Diane, au lieu de se réjouir, a peur que n’ayant plus besoin