Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/152

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ni l’attirail du pire esthétisme, vienne la souffrance sans mot et qui ronge silencieusement, ceux qui avaient espéré de curieux décors, des anecdotes piquantes, des chroniques scandaleuses ne pardonnent point à la passion sa douleur trop simple. Que je couche avec Arthur, voilà qui au fond amusera Diane, mais ce soir, elle m’en veut d’avoir deviné que, durant tout ce dîner, à lui allaient toutes mes pensées. Elle tolérerait une simple combinaison physique, s’exciterait même de l’estimer sale ou vicieuse, mais alors qu’elle m’a cent fois répété qu’entre elle et moi il ne pouvait être question que de simple amitié, jamais elle ne pourra souffrir que j’aime Arthur, qu’il m’aime. Elle joue la comédie du renoncement mais, en fait, invente, ou tout au moins cherche, des séductions capables de me faire oublier Arthur. Elle cultive, sous prétexte de me guérir, ce qu’elle croit ma faiblesse et qui sert si bien à l’affirmation de sa prétendue force. Souvent, et ce soir même, j’ai été bien près de me laisser aller. Savoir, si longtemps encore, elle sera à la hauteur. La pensée d’Arthur me donne, contre elle, le courage nécessaire. Sans Arthur déjà j’aurais cédé, abdiqué entre des mains de jeune fille, accepté que ma vie devînt près d’elle un long sommeil. Mais c’est à l’ombre d’une ombre que je dormirais, car, elle, maîtresse enfin de celui pour qui, de ce pour quoi elle a, tant de mois, vécu, ou bien n’y tiendrait