Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/161

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as tort. Mais je veux oublier tes méchancetés. Tu es malheureux.

— Ce n’est pas vrai. Jamais je n’ai eu un tel bonheur.

Diane baisse le front. Il lui prend les poignets et les serre jusqu’à ce que la tête de Diane relevée, et ses yeux dans les siens, il puisse lui lancer à nouveau, et cette fois en pleine figure. « Jamais je n’ai eu un tel bonheur. »

Diane, alors, serre les lèvres mais ne peut empêcher deux larmes de traverser lentement tout son visage.

Pierre ne voit pas les larmes, Pierre ne voit rien, n’entend rien. Il se lève, et Diane se lève, ils sont dehors l’un et l’autre, l’un à côté de l’autre, mais ne se touchant pas comme des somnambules parallèles qui poursuivent, chacun, sa marche fatale.

Pierre parle.

— Je sais que tôt ou tard tu épouseras Cloupignon ou quelqu’un de cette farine. Fini le romantisme. Je ne suis pas un surhomme, Diane, Je ne suis qu’un pauvre gosse, un sale gosse peut-être, mais toi tu n’es pas une amazone. Si tu veux persévérer dans ton erreur, si tu continues à faire ta Sophie, comme disait ma nourrice, si tu optes pour la virginité, la peinture, tu réussiras tout juste à te rancir dans la chasteté, la mauvaise humeur. Jolie destinée. Je vois d’ici le petit salon de l’avenue d’Orléans où tu passeras tes soirées solitaires.