Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/193

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mans contre la colère. Arthur, Totor, enlacés, qui tournent, vont chavirer, tomber sur n’importe quel siège collés l’un à l’autre dans une extase devant Pierre qui cherche encore au fond de quoi noyer sa jalousie. Arthur, Totor, ils ne sont plus les petits bonshommes en bouts d’allumettes des illustrés du jeudi, au temps des ballons rouges. C’est Totor qui fait le cavalier. Arthur qui a quitté son smoking, son gilet, va, la poitrine collée à celle du jeune voyou. Deux visages sont l’un contre l’autre, des jambes se mêlent. Le couple effleure Pierre qui entend : « nice pimp, gentil, gentil petit poisse. » Pierre sent des coups très forts à gauche contre ses côtes, il a dû prendre trop de fine. C’est mauvais pour le cœur. Les doigts d’Arthur se joignent sur une nuque rasée et les mains du petit voyou se réjouissent d’une peau que Pierre devine trop bien sous la chemise de soie. Il a beau se verser un plein verre de gin, et le boire d’un coup, les yeux fermés, quand les paupières se relèvent, le spectacle n’a pas changé. Les désirs, tout simplement s’affirment davantage. Encouragé par la Roumano-Scandinave M. Arthur a laissé glisser sa chemise autour des reins, et à même son torse nu, se sont plantées les dents d’un danseur qui se soûle le nez aplati sur une viande fraîche, bandeau le plus doux à ses yeux et qui lui donne l’audace de ne rien cacher de son désir et de continuer des pas qui ne permettent à personne d’en douter.