Page:René de Pont-Jest - La Bâtarde.djvu/260

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maudite où son cœur voulait entendre les plaintes de l’être bien-aimé qui l’attendait.

Quant à Jeanne, qui ne connaissait pas, d’ailleurs, le nom de son ami, elle se gardait instinctivement d’en parler, mais elle ne pouvait s’accoutumer à sa nouvelle existence, quelques distractions dont s’efforçât de l’entourer l’institutrice anglaise à laquelle sa mère l’avait confiée, avec ordre de ne jamais promener la fillette qu’en voiture et lorsqu’elle l’aurait autorisé.

La pauvre petite était devenue toute sérieuse ; on lui arrachait difficilement un sourire ; elle passait des journées entières courbée, silencieuse, sur un livre qu’elle ne lisait pas. Dans son grand lit aux rideaux de mousseline brodée, elle avait des nuits sans sommeil, pendant lesquelles elle regrettait sa couchette modeste de l’avenue d’Eylau, et son petit cœur, si joyeux sous l’uniforme de la pension, se gonflait de sanglots sous les robes élégantes dont l’habillait orgueilleusement sa mère.

Elle dépérissait à vue d’œil, et Richard, qui s’en était aperçu, si peu qu’il la vît, en avait fait l’observation à mademoiselle Berthier ; mais celle-ci s’était contentée de répondre qu’elle n’avait plus que quelques jours à rester à Paris, et que, bien certai-