Page:René de Pont-Jest - La Bâtarde.djvu/278

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sang-froid cruel, je n’ai aucune concession à faire. Il y a douze ans, je vous ai dit : La mère et l’enfant, ou ni l’une ni l’autre ; aujourd’hui, je vous le répète : Toutes les deux, ou rien !

— Mais, observa l’ancien officier de marine…

— Laissez-moi continuer, poursuivit-elle. Ah ! je sais bien qu’il est encore plus difficile aujourd’hui qu’autrefois d’épouser Gabrielle Berthier ; aussi ne puis-je supposer que vous vous arrêtiez jamais à une semblable pensée ; mais j’ai bien le droit de vous dire : Est-il certain que je serais devenue ce que je suis si vous aviez fait de moi votre femme ? N’êtes-vous pas un peu responsable de l’existence que j’ai menée ? Interrogez davantage votre conscience, et puisque vous n’avez pas su faire jadis le sacrifice de votre orgueil, ne vous en prenez qu’à vous-même des conséquences de vos actes. Je voulais que Jeanne eût un nom, vous lui avez volé le vôtre en refusant de le partager avec moi, je lui en ai donné un autre.

M. du Longpré n’écoutait plus Gabrielle. À travers la glace sans tain, il avait reconnu Jeanne entre les bras d’un valseur, et il s’était élancé pour arracher son enfant à cet odieux contact, mais il était arrivé trop tard : le couple, qui sans doute n’avait pas poursuivi sa route, avait disparu.