Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/146

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vit délaissée durant de longues heures, dans l’après-midi et le soir.

Après l’avoir installée au concert ou au théâtre, Robert disparaissait, pour la rejoindre, à la fin de la représentation, nerveux, étrangement animé, parfois les traits sombres et la physionomie bouleversée, quels que fussent ses efforts visibles pour paraître calme.

Tout d’abord Claude supposa que son mari était souffrant et l’interrogea avec sollicitude, mais quand il lui eut affirmé qu’il se portait au contraire à merveille, elle s’imagina qu’il poursuivait quelque aventure galante, et, bien que la jalousie ne la tourmentât point, elle résolut de le surveiller.

Cela lui fut chose facile, car M. de Blangy-Portal ne se cachait pas, et lorsqu’un jour elle le suivit, ce fut pour le voir entrer tout droit dans les salons de jeu, où il ne l’avait conduite qu’une seule fois pour les lui faire visiter, en disant, — excuse dont se servent tous les époux joueurs, — que ce n’était pas la place d’une femme de son âge et de sa condition sociale.

Alors elle s’informa adroitement et apprit que le duc jouait très gros jeu, mais comme elle ignorait qu’il s’était jadis ruiné de cette façon et n’avait pas idée d’ailleurs de la valeur de l’argent, elle s’en inquiéta si peu qu’un soir ou il était rentré à l’hôtel dans un état d’agitation extrême, elle lui demanda en riant :

— C’est donc bien amusant la roulette et le trente et quarante ?

Robert eut un moment de stupeur et devint cramoisi ; toutefois, se remettant bien vite, il eut du moins l’esprit de ne point affecter de ne pas comprendre et répondit :