Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/171

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et après s’être assurée qu’elle ne manquait de rien, lui souhaita bon sommeil en l’embrassant, elle ferma doucement les yeux et s’endormit en rêvant peut-être qu’elle était toujours la fillette adorée d’autrefois.

Il est vrai que la duchesse de Blangy-Portal était restée en quelque sorte jeune fille. Au contact de l’homme qui l’avait épousée par spéculation, ses sens ne s’étaient pas éveillés, l’amour n’avait pas cessé d’être pour elle lettre close.

En faisant de la vierge une épouse, le mariage l’avait laissée dans l’ignorance absolue des passions ; elle ne savait pas s’il lui avait apporté tout ce qu’une femme, jeune et belle comme elle, avait le droit d’en attendre. Elle ne s’étonnait que d’une seule chose, c’était de s’être éloignée de son mari, d’avoir quitté son hôtel sans en ressentir plus de peine, et d’être rentrée au contraire, avec un profond sentiment de bien-être, là où s’était passée son enfance.

Aussi le lendemain lui sembla-t-il, en s’éveillant, qu’elle n’avait jamais quitté la villa. Si on lui eût dit qu’elle était appelée à y vivre désormais, peut-être en aurait-elle ressenti une inconsciente satisfaction.

L’ex-pensionnaire des Visitandines n’avait rien du caractère ambitieux de sa mère.

Après s’être mariée sans entraînement, elle avait certes éprouvé un certain orgueil à s’entendre appeler Madame la duchesse, à recevoir les hommages du monde où elle était entrée, à aller au Bois dans une voiture aux panneaux armoriés, à sentir tous les regards s’arrêter sur elle, quand elle prenait possession de sa loge à l’Opéra mais son caractère modeste ne s’en était pas sensiblement modifié, et lorsque sa gros-