Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/215

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L’opération ne dura que deux minutes et eut lieu sans accident.

L’horrible maréchal-ferrant, auquel sans doute les récidivistes doivent leur surnom de chevaux de retour, était adroit, et Mourel n’avait pas bronché. Mais lorsqu’il se remit debout, le faussaire ne put s’empêcher de tressaillir.

À l’autre extrémité de la chaîne que terminait sa manille et qui, maintenant, faisait en quelque sorte partie de lui-même pour vingt ans, se trouvait un homme, un frère en double captivité.

Sans qu’il s’en fût aperçu, on avait réuni sa chaîne à celle d’un autre forçat par un anneau de jonction.

Il était accouplé.

Or, au bagne, l’accouplement, inhumain moyen de surveillance, devenait souvent une atroce aggravation de peine.

Dans cet enfer, en dépit de la contagion morale qui en résultait, étaient mêlés trois ou quatre mille individus, sans distinction d’âge et de criminalité. C’était au hasard des vides que se faisaient ces unions monstrueuses, supplice nouveau et le plus douloureux de tous parfois pour quelques-uns de ceux auxquels il était infligé.

En effet, il arrivait souvent qu’un malheureux, devenu criminel par passion ou dans un accès de colère aveugle dont il se repentait, était accouplé à quelque ignoble assassin cuirassé contre tout remords, prêt à commettre de nouveaux forfaits, même au bagne.

Sur les quais, le long des magasins, on croisait des couples que le crime seul avait formés.

Un ex-banquier, qui n’avait pas encore perdu sous la