Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/222

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tement classé, surtout en raison des motifs de sa condamnation, qui ne le désignaient pas comme un homme dangereux, dans la catégorie de « la petite fatigue », parmi les forçats qui travaillaient de leur état dans les ateliers, dans les magasins, ou à bord des navires.

Malheureusement il était un artiste plutôt qu’un ouvrier, et il ne pouvait être utilisé que dans les bureaux ou à l’hôpital. Or, il fallait qu’une place y fût vacante et que sa bonne conduite et des protections la lui fissent donner.

En attendant, cette supériorité qu’il avait sur ses camarades le soumettait à « la grande fatigue », c’est-à-dire aux travaux les plus pénibles et les plus grossiers de l’arsenal : l’attelage aux chariots, le virage au cabestan, le rangement des parcs à boulets, l’armement des chaloupes, cela, par tous les temps, sous le soleil tropical de l’été, aussi bien que par le souffle âpre et glacé du mistral d’hiver.

C’était là d’ailleurs ce que faisaient chaque jour les matelots, dans des conditions autrement dures que celles des forçats, car le plus souvent, ou plutôt toujours, il fallait employer vingt, trente condamnés pour obtenir la même somme de force que donnaient dix hommes libres aiguillonnés par l’amour-propre et le sentiment du devoir.

Il est vrai que « la grande fatigue » faisait parfois courir les plus affreux dangers aux pensionnaires du bagne, en raison de leur enchaînement deux par deux.

Lorsqu’un couple de ces misérables portait un lourd fardeau, gravissait des échafaudages, s’embarquait et manœuvrait à bord par gros temps, chacun