Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/246

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terie de marine qui commandait à Saint-Laurent avait en lui la confiance la plus absolue, et les sœurs de Saint-Joseph, qui dirigeaient l’hôpital dont il avait orné la chapelle et pour lesquelles il se montrait plein de déférence, le proclamaient le plus doux et le plus utile des transportés.

Il en était à peu près de même de Rabot, qui avait été élevé au grade de chef d’équipe dans les défrichements.

Les deux amis se retrouvaient après la journée et vivaient ensemble dans le carbet, la case qu’ils avaient construite ; ils travaillaient pour leur compte en dehors des heures de service, soumis seulement à l’appel de chaque jour, vêtus comme bon leur semblait, somme toute, relativement libres et paraissant prendre très philosophiquement parti de leur sort, quand, un soir, Mourel interpella son compagnon en ces termes :

— Tu te souviens qu’il y a près de deux ans, je t’ai dit, sur le bord de la mer, à l’île Royale : J’en ai assez des îles du Salut.

— Oui, et tu as joliment fait, puisque tu as obtenu notre envoi ici, où nous sommes bigrement mieux.

— Eh bien ! maintenant, c’est de Saint-Laurent dont je ne veux même plus !

— Je ne comprends pas !

— Je suis décidé à m’évader.

Tu veux décarrer, arpenter le trimar, toi qui a un si bon fourbi ? (Tu veux te sauver, courir la campagne, toi qui as un si bon emploi ?)

Pierre était si stupéfait de cette confidence qu’il reparlait argot, bien qu’il n’ignorât point combien cela déplaisait à Jean.