Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/252

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— Je t’avais bien dit, Jean, que c’était à ! a vie à la mort ! Adieu !

Et s’aidant de ses mains, ayant que son compagnon pût le retenir, cet homme, qu’une passion brutale avait jadis conduit au crime et que l’amitié rendait sublime, se laissa glisser dans le fleuve, où il disparut.

Mourel était demeuré debout, hypnotisé par l’horreur et sentant, malgré tout son scepticisme, ses yeux se remplir de larmes à cet héroïsme de son ancien accouplé du bagne.

Mais il s’accroupit vivement au milieu du feuillage.

Emporté par la marée descendante, le radeau n’était qu’à quelques brasses d’un côtre de l’État qui, mouillé devant les Hattes, attendait que la mer remontât pour donner dans le Maroni.

Heureusement que tout le monde dormait encore à bord !

L’homme de veille ne jeta pas même un coup d’œil sur ces arbres flottants, et vingt minutes plus tard, Jean était installé dans sa pirogue, le long de la côte hollandaise, sur laquelle le portaient tout à la fois le courant et la brise du large.

Déjà il ne pensait plus au pauvre Pierre, mais seulement aux quatre-vingts lieues qui le séparaient de la Guyane anglaise, c’est-à-dire de la liberté.

Et cette traversée, ne pouvant affronter la haute mer dans sa frêle embarcation, Mourel devait la faire le long d’une côte inhospitalière dans sa partie boisée, où n’habitaient que des fauves, et dangereuse où c’était, au contraire, l’homme qui régnait, puisque tout forçat arrêté sur la terre hollandaise était rendu aux auto-