Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/415

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— Peste ! cher ami, si la duchesse et madame sa mère t’entendaient, elles auraient peut-être moins de confiance en ta vertu.

— Ma vertu ! Mais elle est faite de nécessités, ma vertu Est-ce que tu t’imagines que si j’étais riche, je ne préférerais pas de beaucoup les sourires d’une jolie fille aux grimaces de mes malades ! Est-ce que tu crois que je n’aimerais pas mieux tailler une banque que de couper une jambe ! Je te jure bien que je n’ai pas d’amour professionnel ! Pendant que j’y suis, je fais mon devoir et de mon mieux, mais qu’un oncle d’Amérique me laisse seulement une centaine de mille livres de rente, tu verras si je ne tire pas de nouveau la révérence à la Faculté. Seulement je ne me ruinerai pas une seconde fois ! Oh ! tout simplement par paresse, afin de ne pas être forcé de me remettre au travail. Eh bien ! ce que seulement je te reproche, car enfin si tu n’aimes pas ta femme, ce n’est là, de ta part, qu’une preuve de peu de goût et ce n’est pas ta faute ; ce que je te reproche, c’est de courir en fermant les yeux à une situation qui te forcera au travail le plus pénible de tous : chercher de l’argent ; tandis qu’il te serait si facile de vivre à ne rien faire, surtout des sottises !

Guerrard avait dit tout cela de ce ton loger et gouailleur dont il avait l’habitude autrefois. M. de Blangy-Portal n’en revenait pas.

Il se demandait si son ami exprimait bien sa pensée ou s’il se moquait de lui. Mais le docteur, renversé dans un fauteuil et le cigare aux lèvres, semblait vraiment redevenu le sceptique et gai viveur de l’époque des folies.