Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/115

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pas du regard Goolab-Soohbee. Lorsqu’elle se laissait tomber sur une natte en faisant place à ses compagnes, il ne donnait plus qu’une attention médiocre à la danse, et il la cherchait partout des yeux. C’était un grand et beau Malabar, fils d’un riche marchand de Tanjore, fort amoureux, à ce qu’il paraissait, de la belle bayadère, qui ne partageait en aucune façon sa flamme. D’après ce que nous racontèrent les officiers anglais, elle le laissait inhumainement languir depuis déjà plusieurs mois.

Il lui avait fait en vain les propositions les plus brillantes, elle avait tout refusé. Malgré la répugnance que les Indiens ont à partager les plaisirs des Européens, le pauvre amoureux venait tous les jours dans cette maison, qu’il savait cependant fréquentée par les officiers anglais. La gracieuse Goolab-Soohbee était, du reste, une farouche coquette. Il n’y avait pas dans l’assemblée, disait-on, un seul spectateur auquel elle eût jusqu’alors accordé ses faveurs.

Ces détails, que nous donnaient avec obligeance nos compagnons, ne pouvaient qu’aiguillonner encore sir John. Lorsque la bayadère, après un dernier pas exécuté avec une grâce et un entrain charmants, vint s’incliner devant lui, il la saisit par son voile et l’attira sur son coussin, où il ne se fit pas faute de lui débiter toutes les gracieusetés qui lui vinrent à l’esprit, sans s’inquiéter des regards courroucés du Malabar ni du mécontentement évident des Hindous, amateurs de la danse.