Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/251

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— Mais, sahib, me répondit-il, parce que nous gagnerons au moins deux milles de ce côté.

Cet homme mentait. En admettant que la route fût de deux milles plus courte par ce bras de fleuve, nous y avions le désavantage de ne pas être entraînés par le courant ; son changement de direction avait évidemment un autre but.

Nous étions dans un endroit isolé, les eaux traversaient un jungle dont j’aurais admiré le poétique décor dans toute autre circonstance, le calme le plus lugubre régnait autour de nous, et les rameurs ne maniaient que doucement les poignées de leurs avirons. Je compris que j’étais perdu ; aucune embarcation ne se montrait aux alentours, j’étais seul contre huit Indiens qui savaient que j’avais avec moi une somme assez importante pour les faire vivre tous riches et heureux.

Paraissant me contenter de l’explication que venait de me donner le batelier, je me glissai sous la tente, en ayant l’air de vouloir reprendre mon sommeil interrompu. Mon plan de défense ou plutôt d’attaque était fait.

En me laissant retomber sur les nattes, je sentis que l’embarcation reprenait sa course. Profitant alors du trouble où étaient mes hommes, je m’emparai de mon revolver, mais j’eus peine à retenir un cri de malédiction : ma cartouchière était vide. Le plan des assassins était bien préparé, mon domestique avait pris soin de me désarmer.