Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/387

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première bouffée de la fumée que laissait échapper la petite pâle noirâtre que je me crus empoisonné, tant la saveur acre de l’opium me prit subitement à la gorge. Il paraît que des goûts, ainsi que des couleurs, il faut décidément ne pas discuter, car notre ami Fo-hop, accroupi sur une natte et aussi immobile qu’un dieu Therme, semblait ravi et enchanté.

La prudence nous disait de ne pas séjourner trop longtemps dans le bateau de fleurs, aussi arrachâmes-nous impitoyablement notre compagnon à son extase pour en faire notre introducteur au premier étage qui nous restait à visiter. Inutile de dire que ce cher sir John, pendant qu’il gravissait l’escalier qui devait nous conduire auprès des Laïs chinoises, ne fut occupé qu’à donner à ses larges favoris ce pli gracieux dont ils entouraient si bien son bon et franc visage.

Arrivés en haut de l’escalier, nous poussâmes la porte, mais, mettant tout amour-propre de côté, je dois vous avouer, chers lecteurs, qu’à la honte des préparatifs de conquête du commandant du Fire-Fly, la plus mauvaise réception nous fut faite tout d’abord. Ce fut un cri d’effroi et d’horreur qui s’échappa de deux petites masses multicolores étendues sur des coussins ; puis, les deux petites masses en question s’agitèrent et tentèrent en trébuchant un mouvement de retraite vers la porte, mouvement de retraite qu’arrêta le contrebandier d’opium en étendant les bras, espérant peut-être qu’elles allaient s’y précipiter. Il n’en fut rien, mais faisant contre fortune bon