Page:René de Pont-Jest - Le N° 13 de la rue Marlot.djvu/184

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tout cela l’avait gâté à ce point qu’il était devenu un véritable despote, despote inconscient, dont la tyrannie affectait des airs de bonhomie auxquels les étrangers se laissaient prendre.

Il suffisait cependant d’étre des intimes de M. Rumigny pour devenir une de ses victimes. Il avait la prétention d’être, chez lui, empereur et pape tout à la fois ; et c’était chose réellement amusante, lorsqu’on n’étudiait l’ex-négociant qu’à la surface, de le voir régner sans la moindre velléité d’opposition parmi ses sujets.

C’était, en un mot, le moi dans toute sa fatuité grotesque, dans toute son omnipotence brutale.

Ce caractère entier, personnel, égoïste avait un peu fait le vide autour de l’ancien fabricant. Peu à peu il avait fini par ne plus recevoir que la demi-douzaine de dilettanti qui partageaient son amour pour la musique, car M. Rumigny, par un de ces phénomènes psychologiques assez fréquents, s’était épris d’une véritable passion pour un art dont tout semblait l’éloigner : son éducation, ses affaires, le milieu dans lequel il avait été élevé, dans lequel il avait vécu.

D’abord simple fantaisie, ce goût s’était rapidement transformé en une véritable monomanie, et, son entêtement et ses dispositions naturelles aidant, il était arrivé, bien qu’il s’y fût pris un