Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/266

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Le capitaine avait tiré son épée du fourreau ; il attendait le bon vouloir de son adversaire.

— Ai-je donc affaire à un lâche, reprit-il avec colère après quelques instants de silence, et dois-je me servir du plat de mon épée au lieu d’engager le fer avec vous ?

Et son arme levée allait retomber sur le visage de la jeune fille, lorsque soudain, de la porte du jardin qui s’était ouverte pendant cette scène, une femme s’élança au devant du coup qui allait atteindre miss Ada.

C’était Sabee, qui avait suivi sa maîtresse pour s’assurer qu’elle avait bien trouvé Roumee à son poste, et aussi peut-être dans l’espoir de donner un dernier baiser à son amoureux.

Il était temps que l’intervention pacifique de la jeune fille se produisit, car Roumee, qui avait tout entendu, s’était rapproché. Or il n’aurait pas hésité à dégager la fille de sir Arthur, même au prix d’un meurtre.

— Êtes-vous fou, capitaine George ? avait dit la jolie Mahratte à l’officier, en lui saisissant vivement le bras ; vous allez frapper miss Ada.

— Miss Ada ! sous ce costume ? balbutia George en jetant son épée et en se précipitant vers la jeune fille, mais…

— Moi-même, monsieur, interrompit miss Ada, qui avait laissé tomber les plis de son manteau et relevé sa coiffure, frappez maintenant !

— Ah ! pardon, miss, pardon ! je ne pouvais vous reconnaître…

— Et, supposant que j’avais un amant, vous vouliez le tuer…

La présence de Sabee lui avait rendu tout son calme et tout son sang-froid.

C’était l’officier qui se taisait à son tour.

— Vous demandiez tout à l’heure à l’homme que vous pensiez être mon amant, de quel droit il sortait de chez moi à pareille heure, poursuivit l’Anglaise ; dites-moi donc vous-même de quel droit vous m’espionnez, et comment il se fait que je vous trouve à cette porte ?

— Je vous ai demandé pardon, miss. Si vous saviez combien je suis malheureux ! Lorsque j’ai vu votre père arriver sans vous au bal, j’ai perdu la tête et suis venu errer par ici, sans intention, sans but, je vous le jure. Ce n’est pas la première fois que, pendant la nuit, je cherche à surprendre votre ombre et à entendre votre voix.

— Je vous pardonne, George, répondit Ada d’un ton plus doux et visiblement émue de cet amour, en échange duquel elle n’avait pu rendre au jeune officier qu’une sympathie réelle, mais à une condition.

— Laquelle ? s’empressa-t-il de demander.

— Vous allez ramasser votre épée, retourner au bal du gouverneur et y retenir le plus longtemps possible sir Arthur, dans le cas où vous le verriez disposé à le quitter.