Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/150

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jamais le dimanche ni les jours de fête, et encore seulement si tu as des choses tout à fait urgentes à me faire savoir.

— C’est entendu. Et ton gamin ?

— Armand ! Eh bien ?

— Il va aller à l’école,

— Ce qui est une façon de me rappeler ce que je l’ai promis.

— Dame ! c’est encore le meilleur moyen.

— Soit ! mais il ne faut pas que ton… que Manouret sache que je l’ai donné une somme aussi importante. Tiens, voilà mille francs. C’est d’ailleurs tout ce qui me reste sur moi. Je t’en enverrai autant dans quelques semaines, puis les autres trois mille francs au fur et à mesure. De cette façon cet argent te sera vraiment utile. Maintenant que nous voilà à l’Arc de Triomphe, veux-tu que je le reconduise plus loin ?

— Non, répondit Françoise, en glissant dans son corsage le billet de banque que sa sœur lui avait remis ; je vais prendre l’omnibus du boulevard extérieur. Laisse-moi t’embrasser ; tu es une bonne fille tout de même ! C’est dommage que tu n’aimes pas plus le petit. L’autre jour, tu l’as jeté à terre et il s’est fait très mal.

— Je ne savais pas que ce fût lui qui était venu se fourrer dans mes jambes, et je ne pouvais guère m’arrêter. Et puis, vois-tu, cet enfant-là me coûte trop cher. Cependant, j’y pense, fais-le habiller convenablement et tâche qu’il n’ait pas trop l’air d’un petit vaurien. On ne sait ce qui peut arriver.

— Est-ce que tu aurais par hasard l’intention de le présenter à monsieur son père ?

— Tu es folle !

En faisant ces recommandations trop peu maternelles à sa sœur, Jeanne avait ordonné à son cocher d’arrêter.

Une fois Françoise à terre, la voiture redescendit les Champs-Élysées.

Mlle Reboul examina alors la feuille de papier que Pergous lui avait remise.

C’était un extrait de naissance qui semblait régulièrement délivré par la mairie de Livours, petite commune voisine de la Marnière. Rien n’y manquait, ni la signature du secrétaire, ni le cachet de la mairie.

Cet intéressant document apprit à la fille légitime du décapité qu’elle s’appelait Victorine-Jeanne et qu’elle était née à Livours le 25 novembre 1830, de Philippe-Isidore Reboul, jardinier, et de Marie-Marthe Cresoul, son épouse, sans profession.

Si peu d’expérience que la jeune femme eût de ce genre de papiers, celui qu’elle avait sous les yeux lui paraissait parfaitement en règle. Elle se promettait, d’ailleurs, de se procurer l’extrait de naissance de l’une des filles de M. de Ferney, afin de le comparer avec celui qu’elle tenait de Pergous.