Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— On n’avait aucun indice ce matin. Dieu veuille que les misérables n’aient pas tué ma fille !

M. de Ferney, redevenant père, laissait de nouveau couler ses larmes.

— Du courage, mon ami, lui dit M. Dormeuil. Pourquoi désespérer ? Les malfaiteurs, quels qu’ils soient, ne commettent jamais un crime inutile. Craignant d’être trahis pas les cris de Berthe, ils l’ont simplement enlevée. Peut-être votre fille est-elle déjà entre les mains d’honnêtes gens qui vous la ramèneront dès qu’ils auront découvert son domicile.

— Dieu le veuille !

Quelques instants plus tard, après avoir déposé son ami à la grille du Palais de Justice, M. de Ferney se faisait annoncer chez M. Claude, le chef de la police de sûreté.

L’habile fonctionnaire se hâta de le recevoir, mais il ne lui apprit que ce que craignait le magistrat, que ce qui lui avait été dit le matin même à la préfecture de police : jusqu’alors, toutes les recherches étaient restées vaines.

— Ce que je crois pouvoir affirmer, dit M. Claude, c’est que les voleurs étaient deux au moins, car si, dans le terrain vague qui sépare l’hôtel de l’impasse du Cygne, on n’a trouvé que les traces d’un seul individu, on a, au contraire, relevé des empreintes nombreuses et de formes différentes dans le jardin. Un de ces hommes a certainement escaladé le mur de clôture, il est facile de reconnaître où il a sauté, mais l’autre ou les autres se sont introduits chez vous par la porte de l’impasse. En tout cas, c’est le chemin qu’ils ont pris pour s’enfuir. Qui leur a ouvert cette porte ? L’un d’eux attendait-il ses complices ? C’est ce qu’il est impossible d’affirmer. Moi, je le suppose, car la serrure n’a pas été fracturée. Qui en avait la clef ?

— Le jardinier et ma… Mme de Ferney, répondit le magistrat en rougissant.

— Toutes mes investigations sont dirigées en ce moment du côté des ouvriers employés à la construction de votre serre. Il est certain que personne ne pouvait, mieux que ces hommes, connaître le moyen de pénétrer dans l’hôtel de Rifay. Croyez bien, monsieur, que je ne négligerai rien ; mes plus habiles agents battent Paris et les environs, car il est possible que ces malfaiteurs aient conduit votre fille à la campagne.

« Ce que je m’explique moins aisément, c’est la différence des empreintes laissées par ces gens sur le sable du jardin. Grâce à M. le commissaire de police Richard, qui s’était opposé à ce que les ouvriers reprissent leurs travaux, j’ai pu examiner ces traces de pas, et j’ai reconnu que, si les unes sont celles d’un individu grossièrement et lourdement chaussé, les autres indiquent un pied tout autre. La semelle est étroite et le talon s’est profondément gravé dans le sable.

— Oh ! non, ce n’est pas possible ! s’écria M. de Ferney, dans l’esprit duquel ce dernier détail de l’intelligent policier venait de faire naître un soupçon.